L’art de l’accordage : au-delà de l’oreille absolue
Cette faculté permet de reconnaître instantanément la fréquence exacte d’une note simplement en l’écoutant. Imaginez pouvoir identifier qu’un klaxon de voiture sonne un « ré » ou qu’une sonnette émet un « si bémol » ! Cette capacité semble si précieuse qu’on pourrait naturellement penser qu’elle constitue un prérequis indispensable pour devenir accordeur de piano.
Pourtant, cette intuition nous trompe complètement.
L’accordage : un apprentissage méthodique plutôt qu’un don
L’accord de piano, comme tout métier artisanal, s’acquiert par un apprentissage progressif et méthodique. L’apprenti accordeur développe d’abord son écoute de manière similaire à un œnologue qui affine son palais : par l’entraînement répété et l’attention portée aux sons.
Cette formation auditive commence par une découverte fascinante : chaque note de piano cache en réalité tout un univers sonore. Au cœur de ce que nous percevons comme une seule note se trouve la fondamentale, cette fréquence principale que notre oreille capte immédiatement. Mais autour d’elle gravitent les harmoniques, ces fréquences complémentaires qui donnent sa richesse et sa couleur au son. Parmi elles, la quinte et l’octave se révèlent particulièrement importantes, bien qu’elles demeurent plus discrètes et donc plus difficiles à discerner pour l’oreille non exercée.
L’art des battements : quand l’oreille devient instrument de mesure
À force de persévérance et d’écoute attentive, l’apprenti accordeur développe une capacité : il apprend à isoler et identifier chacune de ces fréquences au sein d’une même note. Cette maîtrise lui ouvre alors la porte vers une technique d’accordage encore plus fine : l’écoute des battements.
Ces battements représentent le véritable secret de l’accordeur professionnel. Ils lui permettent de positionner une fréquence par rapport à une autre avec précision, transformant son oreille en un instrument de mesure.
L’harmonie comme système : l’accord relatif
L’accordeur appréhende l’instrument dans sa globalité, ajustant chaque note en fonction de ses relations harmoniques avec les autres. Tierces, quartes, quintes et octaves deviennent les maillons d’une chaîne sonore où chaque élément trouve sa juste place par rapport à ses voisins.
Cette approche révèle la véritable nature de l’accordage : il s’agit moins de trouver des fréquences absolues que de créer un système d’accords relatifs, où l’harmonie naît de l’équilibre entre toutes les composantes de l’instrument.